Shimun

Kukumess-assi 
un feu dévore la nuit 
entre deux vieilles montagnes, 
chaque étoile est la mère d’un animal 
qui retourne sommeiller en elle 
nous quittons le campement 
nos traces ont disparu 
de nouvelles bordures (piste d’un loup, d’une loutre) 
dessinent la carte du lac ,
nous donnons à nos pas 
le tempo des flocons lourds 
ne regarde pas tes pieds 
fixe la cime des arbres 
là où le ciel rencontre la terre, 
c’est là qu’on trouve le courage 
un sourire étire les yeux de Shimuness 
l’horizon à travers son visage 
ses raquettes soulèvent des nuages 
de cristaux palpitants, on dirait qu’il marche 
en apesanteur 
chaque matin vers onze heures 
Shimun : mishau ishkuteumenashkua !  
un grand feu  dans le bois ! 
je comprends mieux pourquoi les petits fruits 
couleur de braise des plaines de la côte 
s’appellent des chicoutés 
faire un feu dans le bois a l’amertume charnue d’une baie sauvage 
notre quotidien est fait de sillages dans la neige qui monte 
nous croyons au mouvement 
l’eau s’écoule dans la terre, le vent dans les arbres 
et nous dans une piste 
l’animal sent qu’il peut devenir 
le rêve d’un animal 
je me sens lourde de la terre 
les îles éclairées par une lumière de cendre 
les présages ont un air d’hier un peu plus que de demain 
nous apercevons des journées solitaires marcher sans laisser de trace  
elles se recueillent avant d’offrir leur page neuve 
à ceux qui les traverseront 
un sabot de caribou s’est enfoncé dans la neige 
près de la tente 
ce doit être Papakassik, dit Shimuness, l’Homme 
qui est tombé amoureux d’une femelle caribou 
nous sommes devenus quelque chose entre l’animal et le vent.


Kukumess - le lac
de grand-mère truite grise (latitude 51.85° nord)






À Shimun...



*





Ce texte est paru en 2008 sous une version légèrement différente dans la revue Dans la lune n° 11.



Cliquer ici pour voir le film



@ Laure Morali_novembre 2010

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