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Les ondes de bruire
Les
ondes de bruire sous les ailes du phare, tu entends ?
On dirait des billes de brume écrasées
sous les lentilles qui grincent. La rouille y est pour quelque chose, elle qui
démonte maille par maille les chaînes suspendues. On a perdu des hommes, rien à faire qu'à les laisser partir avec
le roulis. J'ai le vertige, te l'avoue ici, même
calée à
la balustrade. Ça me fout la trouille toutes ces âmes qui tournent autour de nous pas toi ? J'ai vu des saisons plus gaies en bord de mer, des étés éclore en feu d'artifice, des enfants qui trouvent, dans ces galaxies d'un soir, un appel d'air, mais ça
finissait toujours en incendie dans la lande, pour partir le bal, les sirènes des pompiers. On rebroussait chemin avec nos
lampions affaissés en accordéons vers la place de Landouar. Le D.J avait monté la sono, les fantômes
de l'ennui réclamant un peu de tendresse, en rouge
et noir, ça sentait encore le maquereau du
marché du matin, les agrégats de glace fondant sur l'asphalte que piétinaient nos pas, juillet en pull de laine, Rosalie à la porte du bistrot, les cheveux émoussés, souriant à la farandole dans laquelle serrés nous, qu’elle avait vus grandir, nous tenions enfin les
coudes — dans mon verre, je regarde la mer, qui se balance — on disait juillet c'est les
gens du camping, août ceux des résidences secondaires, on préférait septembre, quand la saison avait été bonne et que les plages nous étaient rendues. J'ai vu des saisons touristiques se
faire avaler d’un seul coup de mâchoire par septembre, les cabines de plages fraîchement repeintes bringuebaler. La nuit tombait plus vite.
On n'avait plus besoin d’alcool pour s'enivrer, seulement de la lente remontée du vert que la vague raclait. Un désir mêlé d’inquiétude
nous briquait les yeux. On avait cet air désinvolte des vieux
papillons qui survivent à l’arrière saison — on se demande si ce
sont des vrais, pareil pour la tempête quand elle se pointe
devant le pin rabougri, pour le chien devant l'os de seiche, ou pour toi
devant moi, Camaron, Ca-pi-taine Camaron.
© Laure Morali, Sémaphore_octobre 11
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