On vous
surnommait Los Albatros, vous qui aviez, au moins deux fois dans votre vie,
passé le Cap-Horn à la voile, même si bien souvent vous n’étiez que
des Malamoks ou des Pigeons du cap ; vous aviez ces drôles d’objets de
traqueurs de liberté pendus aux ceintures, des blagues à tabac creusées dans la
patte désossée des grands oiseaux que vous aviez attrapés à l’aide d'hameçons géants. On vous respectait tout en se demandant à quoi allaient pouvoir servir toutes les cargaisons de salpêtre que vous
alliez chercher au Chili — vous étiez des types étranges, un brin sulfureux. Les gaúchos à cheval vous lançaient du chapeau. Avec ta casquette de capitaine, ton sourire espiègle, ta posture désinvolte, ton air de voyou et de dandi, la clope au bec, la main droite toujours enfoncée dans la poche du pantalon, et la gourmandise de tes yeux, tu mordais le monde, tu entrais partout, on t’aimait d’emblée: " El Albatros... Capitaine Galapagos... Capitaine Kerguelen... El Camarón... Capitaine Cap-Fréhel..." On attendait ton retour d'une année sur l'autre à Montevideo comme à Iquique. Tu dégustais le maté à la guampa.
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