La Rivière du 22 mai
On était bien tous ensemble dans un seul corps, une seule radiance, une seule nécessité. Nous bougions en suivant le courant vers la gauche et nous nous laissions porter par la vague qui lavait la ville. On se souriait. On était jeune, on était vieux, jeune surtout. La pluie s’est arrêtée de tomber quand nous avons commencé à marcher et elle a plu averse à notre arrivée. Entre les deux, une vaste éclaircie. La reine avait été bâillonnée d’une croix de scotch tape. Je n’avais jamais remarqué comme la verticalité des tours miroitantes faisait de l’ombre à la Rivière. Je n’avais jamais flotté comme ça dans le centre ville. Jamais senti les vents doux de l’île. Des hélicoptères nous survolaient, stationnaires. Leur parenté avec les libellules frappait. Les personnes âgées, les chauffeurs routiers, les infirmières, les barmaids au rouge à lèvre rouge formaient une allée pour laisser passer la foule. On était plus de cinquante et on chantait qu’on était plus de cinquante. Rien ne peut empêcher un corps géant de se tenir debout, pieds sur le fleuve, mains dans les parcs, visage offert au ciel. Les libellules contemplaient impuissantes nos larmes d’allégresse.
Dans le vent presque lisse, la peau pèse son poids de beauté
Les anges sont modestes, eux pour qui la vie s’élève
À coups de fleurs serrées entre les poings
Il y aurait plus d’hommes, à l’avenir, dans l’air
Si la pluie montait comme la joie infléchit l’horizon
Nous courbons la voix jusqu’au cri de l’amour
Des vertiges nous relient à l’infini des ports
Et j’entends la phrase du bonheur insistant
Répéter que l’on peut vivre cet amour au mouvement fragile
Nous éprouvons des sentiers avec la larme à l’œil
Et comme la paix est douce marée de la foule
Nous nous baignons empruntant des chemins nouveaux
Les cheveux rouge sang pour conjurer les routes
Tu vois, nous ne sommes pas nus, nous sommes
Résolus à faire partie du même rêve
Nous sommes beaux, rivière dans la ville
Quand tous ensemble la même marée crie
Qu’il faut laisser vivre le Nord
Les hélicoptères font taire leur hélice
Et retrouvent la grâce silencieuse
Des libellules
Rivière Romaine |
Rien ne peut empêcher un corps géant de se tenir debout
Laure Morali, Montréal, le 23 mai 2012
Hmmmm, Merci Laure!
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