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Le corps des forêts 6 | La caresse
J'ai suspendu les restes du gibier aux branches pour
nourrir le corps de la forêt ; les os propres du castor qui renaîtrait. Nous avons mis le
canot à l'eau dans la nuit puissante. Tu tenais l'arrière de l'embarcation
pendant que j'avançais à l'intérieur en prenant appui sur les rebords qui
sentaient encore le mastic. Bruit sec de la pagaie contre les lattes du fond de
la coque. Parfum humide de ton tabac en vrac mêlé à l'acide senteur des glandes
de martres dans un sac de plastique. Des étincelles rougeoyaient au-dessus du tuyau
du poêle perçant le toit de la tente. Je me suis installée à la place du tireur
à l'avant et toi, à celle du capitaine. "On va par là !" Ta main
droite fendant l'Est et le Nord d'un seul trait. Nous irions vers le Grand Lac,
petit océan au milieu des terres gelées. Nous passerions une autre belle
journée ensemble au cœur de ton monde. Il battrait vivement. Tu caresserais sa peau
craquelée de la paume de ton canot.
L.M, 28 sept. 12
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