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Le corps des forêts 8 | Corps à corps
Tes
yeux, quand j'ai arrêté ton bras, ont reflété l’étincelle d'un frottement, ta
terre, tes coutumes, tes croyances affrontant au ralenti les miennes,
peu importe que le chien ait tiré ou non ce traîneau, l'euphorie et la peur étaient
mêlées dans ces quelques secondes où je me suis interposée entre toi et le
chien, un contact charnel entre la vie et
la mort, l'éclat bref de la hache qui dévie de son chemin, le chien qui baisse
les oreilles et s'écarte, nous fuit, nous laisse à notre combat de vieux et de
petite fille issus de deux continents, et même si j'avais l'air ridicule à
faire valoir mes sentiments envers l'animal, je me souviendrai toujours de la
chorégraphie de nos corps sur ce lac, de ton sourire tendre quand j'ai forcé
les larmes à couler pour t'émouvoir, de ton rire pour effacer l'affection,
reprendre ton rôle de chasseur nomade obéissant à des lois de survie, ton
questionnement qui s'est vu, et si elle éprouvait vraiment de l'amitié pour ce
chien, et si nous étions malgré nos différences, deux compagnons de route
libérés de leurs principes par la possibilité du rire, Shimun, et ton blouson
molletonné bleu saison qui s'efface, Shimun, et ton nom de neige abandonné au
vent, Shimun, et ton amitié survolant les ravins, et ton battement de cœur de
nomade qui me renverse encore…
L.M, 30 septembre 2012
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