Sur les ondes de la radio CB, des
grésillements imitaient ceux des braises dans le poêle de tôle ; les voix se
frayaient un chemin entre les aiguilles d'épinette, les nids
d'oiseaux, les antennes des panaches, les étincelles des copeaux et sortaient d'une boite, rouge comme la passion d'être en mouvement dans un
monde qui est en vie. À cinq heures du
matin, tu tournais le bouton noir et tu attendais, assis sur une bûche, que les
copains se réveillent, au Lac Long, au Lac Sauterelle, au Lac du Tambour, tout
en buvant ton thé. Nous prenions notre déjeuner tous ensemble, dans les tentes
éparpillées partout dans le nutshimit. Nous savions qu'Antoine aimait
manger de la perdrix, que Charles préférait le castor. Nous parlions de nos rêves
de la nuit, du temps qu'il faisait et du programme de la journée. Trappe,
marche, canot, pendant la semaine, provision de bois, entretien du camp ou
lavage de linge, le dimanche. Le mot kuessipan rythmait toutes les
conversations, suivi d'un silence pétillant, notre attente aiguisée par le désir de voix d'autre part. Nous avions des provisions de batteries.
Tu disais qu'avant les voix venaient de vos rêves. Vous n'aviez pas vraiment besoin de CB. Il y avait toujours dans un groupe une femme ou un homme capable d'entrer en communication avec ceux qui étaient au loin. La boîte rouge, dont les sons nous berçaient le soir et nous réveillaient en douceur avant l'aube, m'apparaissait comme le réceptacle des rêves du corps des forêts.
2 octobre 2012
Commentaires
Enregistrer un commentaire