Tu peux attendre si tu veux
Pages d'un journal
devenues poèmes
Réveillée à 6 h 30, "heure avancée de l'Est".
Les vagues aussi fortes qu'hier soir gribouillent la pénombre de blancheur.
Blanc-Sablon fouillis d'écume à travers un rideau de dentelles.
J'évalue la puissance du vent à la vitesse de quelques flocons de neige perdus qui passent sous les vitres comme des fous.
Un appel à l'aéroport de Lourdes-de-Blanc-Sablon et je tombe sur un répondeur. "Laissez votre numéro, on vous rappellera."
Ne pas prendre de chance, aller voir sur place ce qui se dessine.
On longe la plage déchaînée avec le jeune chauffeur de taxi.
Je lui demande si l'on appelle cette végétation la taïga ou la toundra et il me répond : "toundra".
J'aurai passé une nuit à Blanc-Sablon, je lui dis, et j'aurai vu la toundra même si je m'en vais pas loin d'ici, à Saint-Augustin.
"Ils sont très isolés là-bas, ils ne se promènent qu'en skidoo", lui, tout fier avec son sourire juvénile et ses yeux bordés de lacs.
La porte s'ouvre sans l'aide de mes bras. C'est le vent.
Aéroport vide.
Il fait encore très mauvais "but, you can wait if you want".
Un bulletin météo recopié au stylo feutre sous mes yeux.
Les ailes de l'avion tanguent sur la piste.
En attendant, je lis tout ce qui se trouve sur les murs, des témoignages d'enfants choisis pour "inspirer la fierté dans notre région".
"Je suis fière d'être une "islander" vivant sur la Côte. Tout le monde autour de moi est gentil, nous n'avons pas à craindre le danger parce que nous sommes une grande famille", a-t-on fait dire à Kristina.
Quand tombera le vent, nous nous envolerons.
Même le soleil porte sa croix.
Quand tombera le vent, nous nous envolerons.
Même le soleil porte sa croix.
Aéroport de Lourdes-de-Blanc-Sablon
Le 26 novembre 12
*
Deux ans plus tard dans le recueil
Napperon de l'étincelle
vapeur
pervenche
tu
prends fumée
tu
rêves?
*
J'ai vu la mer
monter
le long de ton dos
j’ai
vu une femme
te
garder
de
la mer
un
phare te frôle
*
Où
était la main qui n’a pas coiffé
la
frange lourde de ton enfance
paysage
fiévreux de routes
perdues
entre le Nord
et
le Nord
tu
changes la pluie
en
rire
nous sommes arrivés
au
même endroit, l'un
croulant
d'amour
l'autre
en proie
à
l'abandon
*
J'ai repris la route un matin
avec le goût de l'Est
dans la bouche
le
grain de sel de la lumière
j'allais à l'Ouest cependant
*
Toundra
le mot a glissé
des
lèvres du chauffeur
de
taxi au sourire
juvénile
les yeux bordés
de
lacs et le vent
a
claqué
la
portière
Lourdes-de-Blanc-Sablon
aéroport
vide
un bulletin météo recopié
au stylo rouge sous mes yeux
«but you can wait
if you want, je suis fière
d'être une islander de la Côte
nous n'avons pas à craindre
le danger nous formons
une grande famille»
les
ailes d’un avion tanguent
sur
la piste, même le soleil
porte
sa croix.
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