Le dernier carnet de dessins (2) | L'érosion
Page ouverte dans le dernier carnet de dessins de mon grand-père Jean Thirion qui disait : "peindre d'un seul souffle sans lever le pinceau".
autrefois la mer était une sauvagerie, un baiser de sel acariâtre raclant les digues, tu sais comme on creuse et creuse la chair de l'autre en l'embrassant, ce n'est pas nous qu'elle grignote, mais l'otage de la terre, un parfum ciel meuble caché dans les grottes, une clairière de mousses couvrant les parois des anfractuosités du rivage, des croisillons de planètes en liberté mangées par la nôtre, oh, que le vent est souple sud-ouest sur la plage de Saint-Yves, la presqu'île s'amenuise, les falaises s'effritent, et tourne la vague en chantant, brillance des micas sur le grès différent face au soleil de trois heures, c'est le pourpre qui s'impose sous l'ombre des pins, je n'ai rien dit, j'ai tout écrit dans le crissement d'une mine de crayon gras sur la page granuleuse d'un carnet, et ma main tremble, tant mieux si... on verra mieux le frémissement urgent des reflets, toutes ces palettes de cosmos, ces retours éternels, la main de soleil peignant nos silhouettes percluses à deux générations de la survie, pardonner, ça je l'ai dit, souvent ça m'est sorti de la bouche dans la cuisine, quand les enfants tournaient là, avec leurs yeux couvés par l'amour qui ne comprenaient pas pourquoi je les dépêchais en plein goûter de ne pas en vouloir aux autres enfants des pays d'anciennes guerres, nous sommes tous des humains bien inférieurs aux chiens, n'avons pas leur flair, sauf en peinture, alors je peins, je ne peins plus, j'égratigne
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