Le dernier carnet de dessin (5) | Le sable du ciel
Une page du dernier carnet de dessin de Jean Thirion |
Je t’écris d’un rêve, où je ne suis plus mais reliée à lui par je ne sais quels fibres tirés de la vague et des ailes des oiseaux, les mouettes tridactyles, les huîtriers-pies, les goélands argentés, les aigrettes, les bernaches, les hirondelles de mer, les sternes, une aile immense, invisible. Le souffle des vagues calquait notre respiration à celle de la lune. Les mimosas en fleurs saupoudraient les plages. Les longues tiges des roses trémières caressaient les volets. J’avais une île, une chienne et des oiseaux. J’avais un pacte avec l’île et, pour témoin, cette chienne que mon grand-père plaçait au niveau de Bouddha. Il s’appelait Jean et nous regardait comme si nos corps étaient transparents. Il aimait les scintillements du mica qu’on sépare en lamelle entre les doigts, l’odeur de la peinture à l’huile, la compagnie des étoiles. Chaque coquillage représentait le monde. Chaque grain de sable portait l’univers. Il n’y avait que cette puissance d’être empruntée aux anciens calligraphes chinois. Jean me demandait de voir la forêt comme un arbre la voit et les humains comme les chiens les flairent. Il était savant et sauvage. Il n’aimait pas trop me voir partir et m’envoyait des lettres pour me ramener à l’essentiel : « Chaque individu participe de l’énergie qui anime les galaxies.»
ces plages pleines d'étoiles
le trait du ciel
et de la Voie
nacrée à l'os
Le 23 avril 2018
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